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Interview avec Giulia Bernardi et Caroline Tanner

La crise sanitaire a révélé différentes représentations humaines. C’est ce thème d’actualité que Giulia Bernardi et Caroline Tanner ont décidé de traiter dans le cadre du concours pour le Prix Média Newcomer. 

Image: Caroline Tanner et Giulia Bernardi

 

Juin 2020

Auteure: Astrid Tomczak-Plewka

 

Giulia Bernardi, Caroline Tanner : Comment avez-vous découvert le Prix Média Newcomer?

CT : Par Lucie Stooss, la responsable de projet. L’hiver passé, elle m’a proposé de distribuer des flyers à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich pour faire connaître ce programme. Finalement, on s’est nous-mêmes inscrites.

 

Comment avez-vous choisi votre thématique?

CT : Quelle représentation avons-nous de nous-mêmes, en tant qu’êtres humains ? C’est une question que nous nous posons depuis longtemps déjà. La manière dont on se perçoit influence directement nos actions. Nous en avions parlé autour d’un verre, et il est devenu évident que nous avions envie de creuser ce sujet des « représentations humaines au fil du temps ».

 

GB : Nous venons de domaines différents. Très vite, nous avons pressenti que cela constituerait un terrain fertile à l’analyse. Caroline apporte une perspective scientifique, ou plus précisément philosophique, notamment fondée sur ses études en histoire et en philosophie du savoir. De mon côté, je propose un point de vue artistique : comment cette représentation se visualise-t-elle ? En tant que journaliste, je me demande naturellement aussi : comment rendre cela accessible au grand public ?

 

CT : Avec la crise sanitaire actuelle, la question se pose aussi sur le plan formel. L’humain se montre comme un être vulnérable, ce qui influence aussi la représentation de soi : l’humain n’est plus supérieur à la nature. Soudainement, c’est elle – à travers un virus – qui le rend vulnérable. Nous observons le monde à travers une lentille, dont la focale se modifie souvent radicalement en temps de crise. Elle évolue en fait toujours, bien sûr. Mais beaucoup de choses sont devenues plus visibles ces derniers mois. Et nous réagissons face à cela.

 

En quoi le journalisme scientifique se distingue-t-il des autres formes de journalisme ?

CT : Comme les autres formes de journalisme, il vulgarise certaines thématiques à l’intention du grand public. Sa spécificité réside dans le fait qu’il se consacre au savoir des différentes branches scientifiques. Dans notre quotidien, nous sommes rarement directement confrontés à la recherche scientifique, contrairement à ce qui peut être le cas avec les événements politiques et économiques. Pourtant, cette recherche marque une part importante de notre compréhension du monde. Elle peut nous faire adopter de nouvelles perspectives. C’est le cas aussi bien pour les sciences naturelles que pour les sciences humaines ou sociales.

 

Qu’est-ce que l’« ancienne génération » a à apprendre de vous ?

GB : Nous voulons rendre les contenus scientifiques accessibles. Pour cela, nous voulons tester des formats transmédias, comme la vidéo ou le podcast. Utiliser éventuellement des textes courts qui n’assomment pas le lecteur avec du jargon. Nous partons de postulats scientifiques établis puis les traitons selon une approche plus jeune.

 

Et vous, qu’apprenez-vous de l’« ancienne génération » ?

CT : Elle a posé les bases et continue de le faire, en rendant jour après jour les connaissances scientifiques accessibles au grand public. Aujourd’hui, nous avons la chance d’en profiter et de nous appuyer sur son travail. Nous voulons développer ce qu’elle a déjà créé et ce qui a bien fonctionné.

 

Si vous remportez le prix, qu’allez-vous faire avec cette somme ?

GB : Nous aimerions poursuivre avec la plateforme sur Internet et la développer pour en faire une archive transmédias de représentations humaines. Tous les contenus offriraient ainsi à chaque fois une perspective nouvelle sur notre réalité. Tout n’est pas blanc ou noir. Il y a beaucoup de nuances de gris. Nous voulons montrer les nuances fines et ne pas tomber dans les extrêmes. Dans la crise actuelle, cela nous semble particulièrement important.

 

CT : La diversité des représentations humaines que nous souhaitons rendre accessibles par cette archive doit être une source d’inspiration et inciter à la réflexion sur sa propre perception et son point de vue dans le monde. C’est un projet absolument passionnant qui peut nous enrichir personnellement, mais aussi enrichir notre vie en société.

 

Biographies

Giulia Bernardi (1990) a obtenu son bachelor en histoire de l’art et lettres anglaises en 2015 à l’Université de Zurich. Elle terminera l’automne prochain son master en histoire de l’art et théorie de l’image à Bâle. Pendant et après ses études, elle a été rédactrice pour différentes agences de publicité. Entre 2017 et 2018, elle a travaillé pour NZZ Fachmedienet a dirigé durant deux ans et demi la rédaction de « Coucou », le magazine culturel de Winterthour. Depuis 2018, elle est journaliste indépendante spécialisée dans l’art contemporain. Née à Locarno, Giulia Bernardi a grandi en Italie et en Allemagne. Elle vit depuis dix ans à Zurich.

 

Caroline Tanner (1990) est titulaire d’un master en histoire et philosophie du savoir de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ), où elle avait obtenu un bachelor en architecture en 2016. Assistante pour la chaire d’histoire des techniques à l’EPFZ, elle travaille à un recueil historique sur la numérisation depuis les années 1990. Elle a aussi participé aux projets de publication « cache » et « Æther », qui s’attachent à diffuser auprès du grand public diverses contributions et méthodes des sciences humaines. Entre 2016 et 2019, elle a été rédactrice pour « Modulør », la revue d’architecture de NZZ Fachmedien. Caroline Tanner est née et a grandi à Berne. Elle habite depuis neuf ans à Zurich.